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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 15:33

L’industrie automobile

Le clan a bien profité de vastes opérations de privatisations et fait fortune dans des secteurs soumis à d’importantes autorisations, où leurs passe-droits écrasaient la concurrence. Les familles se sont alliées à des groupes étrangers. Chaque famille s’était attribué à un concessionnaire étranger. En juillet 2010, celui de Peugeot en Tunisie, la Stafim, est vendu à Mehdi Ben Gaied, 22 ans seulement fiancé de la plus jeune des filles de Ben Ali.

Il s’en est aussi fallu de peu pour qu’Artes, concessionnaire tunisien de Renault, soit intégré dans l’orbite du clan. Sauf que son patron, Moncef Mzabi, avait quelques protections à Carthage : C’est un des plus importantes financeurs des campagnes électorales de Ben Ali. C’est d’ailleurs par cet entregent qu’il avait obtenu la concession en 1997.


Le secteur Bancaire

En 2008, le PDG de la Société Générale, Daniel Bouton, débarque à Tunis, direction le Palais. Il est venu taper du poing sur la Table. « Mr le président, si ça continue, nous allons partir… ». En cause de l’attitude d’Alya Abdallah (L’épouse d’Abdelwahab Abdallah), présidente du Conseil d’administration de l’UIB, la première banque à avoir été privatisée en 2002. Le poste devait être honorifique, mais Alya a vite exigé de prendre les manettes. Bouton demande sa tête et il l’obtient, car il avait quelques moyen de pression : Les comptes de l’UIB avaient été maquillés avant la privatisation pour rendre la mariée présentable.

D’autres groupes bancaires français ont su se pincer le nez pour continuer à faire des affaires, tel est le cas de Natixis, qui a investi au capital de la Biat, la banque des frères Mabrouk. CIC, principal actionnaire, n’a pas eu trop de mal à côtoyer Belhassen Trabelsi, les autres actionnaires sont forcés de vendre et plusieurs administrateurs effarés ont été débarqués.


La grande distribution : racket et passe-droits

Avec le boom de la consommation en Tunisie, la grande distribution était en plein essor. Les grandes enseignes françaises ont évidemment flairé l'aubaine, même s'il fallait, pour en profiter, s'associer avec des proches de Carthage. Carrefour a ainsi fait alliance au début des années 2000 avec Nabil Chaibi, homme d'affaires lié à Slim Chiboub. Le géant français a ainsi pu profiter de nombreuses facilités, à commencer par l'obtention de l'immense terrain sur lequel est implanté l'hypermarché Carrefour dans la banlieue de Tunis. Un terrain obtenu grâce à des passe-droits administratifs.

Le groupe Casino s'est allié avec les Mabrouk, qui ont alors commencé à bâtir un empire de la distribution, Monoprix, filiale de Casino et des Galeries Lafayette. Pour s'offrir la célèbre marque de supermarchés, les Mabrouk ont actionné certains leviers étatiques pour pousser les propriétaires à vendre. « Une extorsion caractérisée ». Après ce coup d'essai réussi, les Mabrouk poursuivent leur association avec Casino. Ils ouvrent, en 2005, le plus gros centre commercial du pays, Tunis City, qui abrite notamment un hypermarché Géant de 12 000 m2. Il sera saccagé le 15 janvier.

L'enseigne de bricolage Bricorama a également pactisé avec le clan. Les pratiques de l'enseigne ont même conduit au dépôt d'une plainte en France par Faouzi Mahbouli, devenu depuis une des figures de l'opposition. Bricorama s'implante en Tunisie en 2006. Évidemment pas seul, mais avec Faouzi Mahbouli et... Imed Trabelsi. Imed à l'époque du partenariat, s'imposait comme un des seuls entrepreneurs crédibles et solides du pays », justifie Jean-Pierre Cornillaud, directeur de la franchise chez Bricorama.

La compromission est pourtant allée bien plus loin. Moins d'un an après la signature du contrat, Imed Trabelsi ordonne à Mahbouli de lui céder ses parts, à un prix dérisoire. En 2010, Mahbouli, réfugié en France, où il affirme avoir fait l'objet d'une tentative d'assassinat, porte plainte contre Imed Trabelsi et Bricorama pour « extorsion avec menaces et violences, et recel d'extorsion ».

Orange

complaisance 2

     4 mai 2010, Tunis. D. Lombard et M. Mabrouk lancent Orange Tunisie.

 

Ce 4 mai 2010,  jour de fête pour Lombard : son entreprise se lance en Tunisie. Évidemment, ce fameux partenaire est encore un gendre de Ben Ali : il s'agit à nouveau de Marouane Mabrouk. L'affaire Orange est un véritable concentré des compromissions françaises avec le régime tunisien. Pour s'implanter, le champion français de la téléphonie a cautionné un montage financier baroque, très avantageux pour le gendre de Ben Ali. Quant à l'appel d'offres, il était largement biaisé.

Retour en 2008. Le gouvernement tunisien lance un appel d'offres pour l'attribution d'une licence fixe, mobile, mais surtout 3G, la toute première du pays. En apparence, le cahier des charges de soixante-dix pages, rédigé par la Banque d'Affaires de Tunisie (BAT), est tout ce qu'il y a de plus régulier. En apparence seulement. Car le deuxième actionnaire de la BAT est la Biat, une banque contrôlée par les frères Mabrouk. Marouane siège même au conseil d'administration.

Mais ce n'est pas tout. L'appel d'offres semble taillé sur mesure pour le consortium formé par Orange et Mabrouk. Des clauses techniques excluent sans le dire les autres opérateurs, Tunisie Télécom et Tunisiana... Résultat ? Plusieurs sociétés, dont un opérateur du Golfe et le leader des télécoms en Afrique, ont bien retiré un dossier, mais seuls deux consortiums ont fait une offre ferme : le tandem Orange-Mabrouk et le Turc Turksell... allié à l'incontournable Sakher El Materi.


La diplomatie des gros contrats

 Avec la visite de Nicolas Sarkozy en 2008, où il est d'abord venu conclure de très gros contrats pour Airbus et Alstom.

Pour Airbus, la commande est d'importance. Ben Ali est prêt à acheter 16 appareils pour la compagnie nationale Tunisair. Le montant, au prix catalogue, avoisine les 2 milliards d'euros. Un joli succès pour Airbus qui, en contrepartie, a annoncé l'implantation d'une usine de pièces détachées en Tunisie. Or, sous Ben Ali, il était impensable qu'un tel contrat puisse être signé sans que la famille du président s'en mêle.

L'avionneur a eu recours à un intermédiaire très proche du Palais, Sakher El Materi. Il a touché environ 70 millions d'euros après l'arrivée de Sarkozy pour le contrat Airbus. Le montant a été payé à la commande, versé à l'une de ses sociétés.

Même l'ancien ambassadeur de France à Tunis, l'amiral Lanxade, confirme que les proches de Ben Ali étaient « dans la boucle » des achats d'avions. Jusque dans les années 2000, dit-il, Airbus avait eu recours aux services de Slim Chiboub. L'amiral ajoute : « Pour Airbus, c'est Slim Chiboub qui était l'intermédiaire».  Il garantissait à Airbus un sérieux avantage sur son principal concurrent, l'Américain Boeing. Avant, la flotte de Tunisair était majoritairement composée de Boeing. Depuis Slim Chiboub, petit à petit, c'est Airbus qui est devenu majoritaire.

En 2004, la Transtu, lance un gros appel d'offres pour le métro de la ville. Coût total : 100 millions d'euros. Alstom remporte la mise et coiffe sur le poteau son principal concurrent, l'Allemand Siemens. Reste l'autre partie du contrat : une dizaine de millions d'euros pour réaliser des travaux d'extension d'une des lignes de métro de Tunis ( La ligne 4). Cette fois, c'est Siemens qui obtient un avis favorable. Avis transmis, conformément à la procédure, aux plus hautes autorités tunisiennes - pour un contrat de cette ampleur, la présidence avait son mot à dire. Alstom et son partenaire local contestent certains points précis et font pression. Y compris au plus haut niveau. Résultat : la Transtu est priée de revoir sa copie. Et c'est finalement... Alstom qui remporte le morceau.

Pour conclure cette enquête, on s’est demandé « Pourquoi les milieux économiques français ont-ils si complaisants ? ».

La version Soft, c’est que ce silence a été monnayé en contrats. La version hard, ce sont des valises. Du financement politique, grâce aux rétro-commissions sur certains gros contrats. Ajoutant à cela l’anesthésie de la presse et des médias, et c’est fini. Ensuite, on découvre ce qui s’est passé, on dit qu’on ne savait pas.

Complaisance active, silence coupable. Un cocktail imparable.

Article basée sur une enquête de MédiaPart

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